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Les
Varois ne sont pas des êtres résignés. Après
l'appel le 18 juin 1940 du Général de Gaulle, reconnu comme
chef de tous les Français libres par les Britanniques, il fallait
agir, s'organiser, lutter.
C'était le début de la résistance. Elle s'articulait en
de multiples réseaux. |
Mouvement Uni de la Résistance |
Selon
M. Bernard : “Je suis resté huit mois au chantier de jeunesse. Entre-temps,
nous avons été contactés par un agent de la résistance,
M. Ludovic Altieri, ancien sous-lieutenant démobilisé,
chargé de recruter des jeunes pour un réseau de la résistance,
le MNL (Mouvement de Libération Nationale).
Il y a eu quarante-huit réseaux qui formèrent, par la suite, le
MUR (Mouvement Uni de la Résistance). Cela a commencé par la
formation des groupes. Il
fallait préparer la libération ! J'ai tout de suite
accepté. Nous éditions des tracts, lancions des mots d'ordre, collions des affiches…” |
Presse sous l’occupation |
Le
plus important fut sans doute « Combat » dont nous parle
M. Charrier :
“Le mouvement le plus actif selon Henri Frenay était
le mouvement « Combat » avec l'envoyé du Général
de Gaulle et le général lui-même”.
C'est
Henri Frenay, officier de carrière, fondateur du Mouvement de
Libération Nationale, après sa fusion avec Liberté,
qui donne naissance à « Combat ».
Il faudrait citer également Paul Petit, diplomate de grande culture, ami
du poète Max Jacob. Une assistante sociale (on disait alors surintentande
d'usine) Bertie Albrecht est la secrétaire d'Henri Frenay.
On
sait, d'autre part, son grand rôle joué dans la résistance.
A
son tour, M. German est devenu résistant :
“A la fin septembre, début octobre 1940, j'ai pris
contact avec un groupe de quatre à cinq personnes qui visitaient
les plus démunis de l'hôpital de Draguignan. C'était
le groupe Saint-Vincent de Paul dirigé par Georges Cisson,
un homme merveilleux. Il était contre le gouvernement de Vichy.
Il m’a raconté la campagne de France. Il avait perdu
un œil dans la bataille de l'Aisne. J'étais complètement
isolé parce que j’étais mobilisé dans
l’armée des Alpes, sans relation avec quiconque.
Il m’a suggéré de contacter le groupe de Flayosc. J’y
ai rencontré M. Ruelle ingénieur Fer à la gare de Fréjus/Saint-Raphaël
(la gare de Fréjus était très importante).
II était ingénieur des Ponts et Chaussées. Il y avait
aussi M. Noir et M. Massel, le caissier du Crédit Lyonnais.
C'est le premier groupe dracénois auquel j'ai participé. Ce groupe
n'a pas bougé.
M. Ruelle avait déjà pris contact vers le 15 août 1940
avec le fameux patron de « Combat », Henri Frenay, qui avait fui
les Allemands et qui était sorti de capitivité. Il était
descendu sur le Var.
A Fréjus, j'ai connu un capitaine des Sénégalais qui s'étaient
repliés là, un ami de M. Ruelle qui a représenté « Combat » jusqu'à Marseille,
jusqu'à ce qu'il soit enfermé. Au début, nous éditions
des tracts, en contact avec le journal « Combat » distribué clandestinement.”
En 1942 aux Arcs sur Argens, suite à une manifestation, les hommes se sont fédérés. Ils avaient décidé de devenir résistants. Ils ont adhéré au mouvement « Combat », un des fers de lance de l'armée clandestine.
M.
Charrier, garçonnet durant cette période, confie
:
“Ce mouvement très structuré avait été pensé pour
agir, dès le départ, dans le secret absolu. Il y avait un chef
de groupe qui essayait de trouver des chefs de trentaine, qui, à leur
tour cherchaient un chef de sizaine qui formait une troupe. Ces six hommes
ne connaissaient que leur supérieur direct…”
Il était
un peu calqué sur la formation militaire. C'était une pyramide
! Il avait été prévu au départ que les résistants
devaient faire seulement du renseignement. Ils n'avaient pas le matériel
nécessaire et pas suffisamment d'armes.
Ils
avaient tous changé de nom. Edouard Soldani devenait Valmy ; Jean Altiéri, Clément ; Julien Cazelles, Mouche ; Denis Fontès, Kléber ; Jean Cassou, Bastia.
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Henri Frenay |
Bertie Albrecht |
Le journal de la résistance
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Georges Cisson |
Jean Garrus |
Denis Fontès |
Julien Cazelles |
Sabotage des voies ferrées |
En 1943, il y eut en gare des Arcs trois trains, un blindé, un de l'Afrika
Korps et un de munitions. Signalés aux Anglais, la décision avait été prise
de les bombarder.
M.
Charrier poursuit :
“Le plan de la gare se trouvait dans le bureau du chef de
gare italien qui doublait le chef français Julien Brun. Impossible
de le voler. Le manque de matériel est souvent compensé par
l'ingéniosité de l'être humain. M. Brun s'est entraîné à faire
des pas de un mètre pile et les réussissait parfaitement.
Il a parcouru la gare dans tous les sens, sans se faire remarquer.
Il a pu retracer un plan identique à l'original. Le bombardement
n'a pas eu lieu, les Allemands ont déplacé les trains
au dernier moment.”
Le secret sur l'identité des résistants inspirait curiosité et
crainte.
Lorsqu'ils posaient des pièges le jeudi dans les Maures pour attraper
des lapins ou des oiseaux, Mme Martin et sa famille avaient peur de rencontrer
des maquisards et, en même temps, le désiraient.
Mais comment les
reconnaître ? Ils ignoraient parfois que leurs voisins en faisaient partie. Chacun résistait à sa manière.
Le toubib de la résistance,
le Dr German, œuvrait en silence :
“Sur le plan médical, il n'y avait aucun médecin
avec moi.
Le corps médical était soit neutre, soit pro vichyste, sauf le
Dr Gayrard qui me paraissait sûr. J'avais toute confiance en lui. Je lui
ai d'ailleurs confié ma famille le 6 juin 1944.
Au service Médecine Hommes, travaillaient deux infirmières
qui ont participé à des évasions sans se faire détecter.
Au départ, je voulais savoir qui ils étaient, d'où ils
venaient. Quand je les hospitalisais, je leur donnais un autre nom,
le mieux était de ne pas les connaître.
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Lycée Jean Moulin - Draguignan |
Pour avoir des fournitures médicales, je les volais. J'en ai volé aux
Italiens qui avaient une antenne médicale au lycée Jean Moulin
et puis un peu aux Allemands. Cela faisait partie des choses à faire,
cela faisait partie du jeu. J'ai volé trois paires de brancard, puis je
les ai montés dans les maquis.
Très peu de soins étaient dispensés dans les maquis. Je les
soignais à l'hôpital.”
Il
a soigné un jeune maquisard blessé par La Milice.
Cette police, créée par le gouvernement de Vichy, n'avait
aucun état d'âme.
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Deux
miliciens, Massiac et Viard, obligèrent ce jeune « terroriste » (pour
les Allemands, les résistants étaient des terroristes) à chanter
des chansons à la gloire de La Milice. |
Ecole de la Milice |
Le
père de M. Charrier accompagné de Jean Cassou arriva
et tira sur Massiac. Ce dernier reçut six balles dans la poitrine
et un coup de chevrotine dans la mâchoire. Les médecins
ennemis le soignèrent et il survécut. Le jeune essaya
de fuir, mais il fut rattrapé par les Allemands qui l'emmenèrent
inconscient à l'hôpital, où il fut opéré.
Un groupe de résistants venu de Toulon, déguisés
en infirmier, avait organisé son évasion.
La
Gestapo, il y avait des femmes qui en faisaient partie, n'a jamais
pu l'interroger. Il eut la vie sauve !
Les arrestations se succédaient, maquisards ou pauvres gens. Tous les
prétextes étaient bons.
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Jean Piquemal |
M.
German se remémore :
“Le 1er octobre 1940, j’ai su que mon chef de laboratoire à l’hôpital,
Jean Piquemal, avait fui Draguignan.
Il était franc-maçon et ne s'en cachait pas.
Les francs-maçons étaient poursuivis depuis août
1940.
Il fut arrêté avec Georges Cisson et tout l’état-major
des Basses-Alpes, et ils furent tués à Signes le 18 juillet 1944.
Ensuite, il y a eu la chasse au STO, aux déserteurs, puis aux communistes
redevenus hors la loi en 1942. Chacun avait son coin, ses idées, mais
on se battait pour la même chose !” |
Famille de résistant |
Mme
Benet, très jeune, a eu peur :
“Un jour, je suis allée chercher ma mère et
son amie à la Kommandantur, à l'hôtel Bertin.
Elles avaient été arrêtées car ma mère
avait en sa possession de la farine blanche. C'était un inspecteur
des Farines qui avait fait du troc avec elle. Elle a été accusée
de marché noir. J'étais jeune, j'ai pleuré avec
conviction, j'avais très peur, les Allemands nous ont laissées
repartir.” |
M.
Constans a aidé les résistants :
“J'ai aidé la résistance sans le savoir. Je n'avais pas l'âge.
J'ai aidé quand même.
En juin ou juillet 1944, mon oncle m'a dit : “J'ai acheté un bœuf de boucherie. Il faut aller le
chercher à pied à Draguignan
!”
Je suis allé chercher ce bœuf qui pesait une tonne. Il avait deux
ans, il était sauvage. Je l'ai mené comme j'ai pu. C'était
terrible la péripétie pour le conduire ! Il ne prenait jamais
la bonne route. Au lieu de faire 30 km, on en a fait 60. Mais je l'ai finalement
emmené jusqu'à Aups, ce bœuf.
A chaque fois, à Draguignan, c'est les Allemands qui l'ont remis sur
la bonne route. A
Flayosc, pareil !
C'est que c'était un bœuf de viande
de ravitaillement. C'était
interdit !
On lui avait mis un joug, on lui avait attaché la tête à la
patte, il courait quand même
!
Heureusement, les Allemands qui étaient disciplinés croyaient
que j'allais labourer avec. Je les ai rencontrés
plusieurs fois.
Je prenais des risques, j'étais réfractaire au STO et je trafiquais
avec de la viande de boucherie ! C'était
interdit !
Et ce bœuf, je l'ai emmené à Aups où mon frère
et mon oncle l'ont tué.
La moitié a été donnée au maquis de Canjuers, l'autre
moitié vendue au marché noir pour récupérer
la somme du bœuf.
Cela me fait penser au film La Vache et le Prisonnier.”
Mais dans l'ombre, l'armée des résistants, celle de la France
libre préparait sans se ménager la Libération. |
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