La libération


La joie entrait dans les murs de la ville, c'était une grande fête, les gens allaient au-devant des libérateurs.
L’abbé Boyer était présent :
“Les Dracénois ont compris que les Américains étaient là.
Ils les ont accueillis dans la rue.
Cela a été la grande fête et, bien entendu, c'était toujours pareil, tout le monde tirait la langue. Les enfants ont reçu du chocolat…
Clic pour agrandir Les généraux Patch et Neuling
Une fraternisation immédiate s’est instaurée malgré le barrage de la langue. Des contacts chaleureux se nouent, même si on ne connaît pas la langue parce que cela se voit au regard. Un sourire, une poignée de mains, cela en dit plus que de longs discours.
Les Américains ont arrêté le général Neuling à la villa Gladys, mais celui-ci n'a pas été jugé à Draguignan.
Ils ont installé un hôpital de campagne absolument fabuleux, derrière la chapelle ND Du Peuple. Il n'y avait que deux ou trois maisons et ce, jusqu'à Saint-Hermentaire. Alors ils se sont installés là.
C'était une véritable ville, c'était extraordinaire.
Ils sont arrivés le 17 août, très, très tôt après la libération et un matin, je croise une jeep appelée l'Ave Maria. Toutes leurs jeeps avaient un nom.
Je me dis :
– Tiens, pourquoi pas ?
Le lendemain, une jeep me dépasse et s'arrête, c’était l'Ave Maria. Il en descend quelqu'un qui avait deux petits galons, c'était l'aumônier. Il s'adresse à moi :
– “Ah ! Très bien, venez chez nous."
J'y suis allé et j'y suis resté toute la journée. Ils avaient besoin d'un interprète. Je parlais anglais, cela leur était utile.
Les Américains soignaient toutes sortes de blessés, des Français, des Américains et des Allemands qui étaient sous bonne garde, bien entendu.”
Clic pour agrandir
Hôpital de campagne
Clic pour agrandir
Arrivée des Américains sur la Motte

Des femmes pleuraient de joie, l'émotion était à son comble.
Enfin, la population se surprenait à rire, cela faisait si longtemps !
On aperçut les Américains sur la route de Montferrat, à Callas, à la Motte, à Villecroze.
Ils étaient venus par la mer au Dramont à Boulouris, par les airs en sautant en parachute au-dessus des vignobles de Sainte-Roseline et du domaine de Valbourgès à la Motte.

Mme Bonnay revit ces instants :
Je garderai un souvenir extraordinaire du parachutage, les parachutes étaient colorés, bleu, blanc, rouge.
Sur la route de Montferrat, nous avons servi du vin rosé aux Américains. Il faisait une chaleur accablante, ils n'en avaient jamais bu…
Ils sont restés assez longtemps, car la tête de pont était au Dramont. Nous avons découvert les voitures amphibies, les tenues camouflées, les radios de campagne. Je n'avais jamais vu cela. J'ai vu aussi plein de corps de soldats allemands morts au bord des routes. Les Américains récupéraient les corps des leurs au fur et à mesure. C'était une période extraordinaire.
A bicyclette, nous allions à Sainte-Roseline voir les planeurs. Des gens prenaient la toile, les roues.
Nous étions allés voir s'il y avait quelque chose à manger. Nous n'avions que de l'huile, des tomates, du vin depuis que les Allemands avaient fait sauter le pont d'Anthéor. Il n'y avait plus rien.
A la libération, c'était l'euphorie avant que ne commence la période des règlements de compte.”

En tenue de camouflage, sous une chaleur étouffante, ils ont pénétré dans les ruelles, se sont arrêtés près des fontaines et des puits sous les yeux étonnés des villageois.

Clic pour agrandir
Planeurs prêts au décollage
Clic pour agrandir
On prend la pose après la victoire
Clic pour agrandir
Les soldats se désaltèrent

 

Mme Bonnay dévoile :
“Au matin, on voit un soldat en tenue de combat qui montait vers nous. On n'avait jamais vu un pareil personnage. Nous étions très inquiets et nous nous sommes cachés.
Cet homme est allé vers le puits, a fait descendre le seau et a remonté de l'eau. Il a bu, puis fouillé dans ses chaussures, a ressorti une brosse et s'est lavé les dents. Nous ne nous sommes pas manifestés…”

Clic pour agrandir
Sous une chaleur étouffante

Ils étaient également un peu effrayés ces habitants, devant la peau sombre des libérateurs équipés de leur voiture amphibie et de leur radio !

M. Giraud se souvient :
“Quand les Américains passaient avec leur camion, mon père qui n'avait pas vendu ses légumes, apportait des cagettes de tomates au bord de la route. Ils les leur lançaient et eux croquaient dedans comme dans des pommes. En échange, ils nous jetaient des cigarettes, des boîtes de conserve, des gamelles…”

Clic pour agrandir
Personnel médical

L’abbé Boyer a été surpris :
“Ces Américains venaient de Californie et parmi le personnel médical il y avait de très, très bons chirurgiens, puisqu'en temps de guerre, ils étaient gradés. Ils sont restés deux mois. Il y avait des salles d'opérations et je me souviens que l'un d'eux m'a fait entrer dans sa tente. Ce n'était pas une tente individuelle. Elle était assez large. En voyant mon ahurissement, je regardais partout, il me dit :
– “Vous voyez, j'ai apporté une partie de ma bibliothèque, car pendant la guerre il peut y avoir des cas spéciaux et j'ai besoin de retrouver des informations dans les bouquins.”
Des quatre côtés, il y avait des rayonnages avec des livres. C'était la guerre. Ils avaient tout charrié, c'était incroyable. Aucun civil ne pouvait se faire opérer, c'était strictement militaire. Tout le personnel médical était américain.
Je vais vous raconter un petit épisode amusant.
Lorsqu'ils ont été sur le point de partir, un officier m' a dit :
– “Voilà, vous nous avez rendu service, nous voulons vous remercier.”
– “Il n'est pas question que vous me remerciiez, c'est plutôt moi qui devrait vous remercier, car vous m'avez donné l'occasion de parler anglais matin et soir”
– “Oui, mais quand même, que pourrait-on faire pour vous ?”
– “Je vous le répète, rien.”
Songeur, il se gratte la tête, se frappe le front.
Je me dis qu’il a trouvé quelque chose et, je vous donne en mille ce qu'il m'a proposé, vous ne devinerez jamais, ils sont originaux par certains côtés.
Il dit :
– “Et bien voilà, après-demain est prévue une opération. On doit amputer quelqu'un d'une jambe. Voulez-vous y assister ?”
Ça par exemple, voilà qui est curieux et, bien évidemment, j'ai trouvé une excuse car je ne me voyais pas au milieu de tout cela. Enfin, ils étaient contents d'avoir trouvé quelque chose d'original et quand j'ai raconté cela à mes parents, ils ne m’ont pas cru :
– “Tu te moques de nous !”
– “Mais non, c'est vrai.”
Vous voyez, on se souvient des choses dramatiques, sévères mais aussi des choses légères.”

Clic pour agrandir
Monument de la Libération de Draguignan
Clic pour agrandir
La Libération de Draguignan
On fêta la Libération !
Un grand bal eut lieu sur l'esplanade, le soir même.
Rassemblés sur le boulevard, tous attendaient l'annonce de la fin de la guerre, mais une malencontreuse panne de courant ne le permit pas. Qu'importe, tous se sentaient libres !
C'était le début d'une liberté ardemment souhaitée, l'espoir du retour des hommes, la fin de la clandestinité.

Imprimer la page Clic sur l'icône pour imprimer

La dracénie de 1939 à 1945 | La déclaration de guerre | L'occupation italienne
L'occupation allemande |
La résistance | Le débarquement | L'épuration | Le retour à la paix

© 2003 CEDIS - email@memoires-vives.net
Dernière mise à jour le 18.03.2004 - Création : MODE Net'ment Multimédia - contact@mode83.net