Le débarquement


Ceux qui possédaient un poste de radio écoutaient, le soir, « Radio Londres » sur le canal de la BBC. Un indicatif musical les mettait en alerte :
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Poste de radio

“Radio Paris ment…”

“Radio Paris est Allemand…”

“Ici Radio Londres, les Français parlent aux Français…”

Ils espéraient y entendre les messages qui annonceraient le débarquement.

Le père de Mme Benet écoutait avec attention les messages sur son poste de radio :
“Il était très vieux avec une antenne qu'il ne fallait pas toucher. D'ailleurs à ce moment-là, mon père nous disait que les enfants n'avaient rien à écouter et nous envoyait au lit.
Il a gardé toute sa vie l'attitude qu'il avait quand il écoutait la radio, debout appuyé à un meuble et très concentré. Par les messages, il savait ce qu'il se passait.
Il y avait le couvre-feu, alors il allumait une bougie et plaçait des couvertures sur toutes les ouvertures. Il y avait aussi, la défense passive. Mon oncle, trop âgé pour être mobilisé, en faisait partie. Il portait un brassard, et faisait le tour des rues qui devaient être vides.”
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Opérateur radio
M. Charrier raconte :
“Mon père était parti un jour avec Louis Michel, inspecteur d'académie, historien de la résistance et Maccario, un résistant du Muy. Ils étaient allés à Toulon rencontrer Félix. Félix était un agent secret. C'est lui qui leur avait donné les messages du débarquement. Il y en avait cinq, il n'y avait pas de trace écrite, tout devait être dans la tête”.
Les messages étaient les suivants :
“Le kangourou a perdu sa poche…”
“Nancy a le torticolis…”
“La burette coule (il fallait détruire les voies de communications.)…”
“Le bourdonnement étourdit (il fallait supprimer le télégraphe)…”
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Ordre d’affectation pour le STO

M. Bernard, finalement requis par le STO, confie qu'il continuait à renseigner la résistance :
“Nous avions repéré le service radio, dans le bureau des officiers du QG allemand. Un jour, on s'est fait contrôler à l'embranchement de Gassin. Il y avait deux batteries de cent cinq canons courts, des obus et des grenades. Au changement de car à Ramatuelle, nous avons répertorié des pièces d'artillerie et des munitions. Nous avons mesuré de nos pas la distance de l'équipement à la route, tout cela sans en avoir l'air. Le soir, il fallait faire notre rapport de mémoire.”

L'ordre d'aller arracher les asperges de Rommel, piquets plantés par les Allemands pour gêner l'atterrissage des planeurs, fut le signal de l'arrivée des Alliés. Le débarquement se précisait ! L'espoir et la peur se mêlaient, donnant naissance à un sentiment confus.

A Draguignan, le bruit courait que le débarquement aurait lieu bientôt. Dans la crainte d'un bombardement sur la ville, l'ordre d'évacuer est donné.

Les parents de Paco Giraud décident d'aller à la campagne :
“Les préparatifs furent tellement hâtifs qu'une fois arrivés au cabanon, il fallut se rendre à l'évidence, nous avions oublié la grand-mère qui habitait rue Juiverie ! Ma mère décide de retourner la chercher. Elle lui demande de se dépêcher, mais mémé répétait : “Mon Dieu, tous ces tonnerres !”
Elle prenait les bruits des bombardements pour de l'orage. Sur le chemin du retour, elles ont vu des parachutes atterrir sur le lycée Ferrié.”

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Carte du Débarquement
M. Ferrier les guettait :
“Nous attendions le débarquement. Ils disaient de patienter. Puis, le 15 août, les parachutes sont descendus sur La Motte. Nous avons décidé de fêter cela, en allant boire le café chez un voisin. Sur le trajet, nous avons été mitraillés par les Allemands ou les Américains, nous ne le savions pas. Nous nous sommes cachés dans une maison”.
L'Abbé Boyer a été témoin de cet événement à Draguignan :
“J'ai assisté à la dernière alerte dans la nuit du 14 au 15 août.
Il y avait le ballet des avions, le parachutage sur la Motte.
Le lendemain, les bombes commençaient à tomber à l'est de la ville, puis cela a cessé car les Américains ont été avertis que les Allemands se repliaient.
Durant toute la matinée, il y eut des tirs d'artillerie vers l'Ouest, au quartier de la Clappe.
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Parachutage sur la Motte
La poudrière qui avait sauté se situait vers l'école d'Artillerie actuelle. Je crois que ce sont les résistants qui l'ont faite sauter pour que les Allemands n'aient pas les munitions. Ils se sont débrouillés pour que cela saute par pallier.
Le 16 août, j'ai vu le premier Américain… Par la fenêtre, j'ai vu un avion descendre en piqué, il a lâché une bombe derrière ND Du Peuple. Vous imaginez la déflagration !
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Notre Dame Du Peuple
Draguignan
A ce moment-là, la croix de pierre du fronton de la chapelle est tombée. Heureusement, il n'y avait personne. Je suis allé voir s'il y avait des dégâts. Les vitres du fond étaient par terre, et au moment où je sors, je vois arriver un Américain en costume de parachutiste, mal peigné.
En me voyant, il commence à me parler en latin et me dit :
– “Je suis aumônier ! Est-ce que d'ici une demi-heure, nous pourrions venir prier et faire une messe ?”
Je lui répond en anglais :
– “Oui, pas de problème.”
Je les ai attendus, ils sont arrivés en temps voulu. Ils étaient une bonne vingtaine, armés jusqu'aux dents, le visage barbouillé, c'était le camouflage. Nous avons prié, c'était émouvant.”
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Parachutistes
Archive Musée de l’Artillerie
Draguignan

Quelques Dracénois étaient venus voir et Mme Jocrisse était parmi eux. Elle regardait en haut de Draguignan les poudrières qui brûlaient et menaçaient de sauter. Ce qui arriva.
Toute la nuit, ils avaient dormi sous les oliviers, la tête tournée vers les étoiles, envahis par un sentiment d’attente et d’excitation mêlés d'une façon indéfinissable.

“Dans la journée, des colonnes d'Allemands montaient sur la route de Grasse. Des jeunes gens, qu'on appelait des FFI, sont venus nous voir et ont dû nous protéger. Puis tous ensemble, rassemblés près de la route, nous avons vu les Américains avec le drapeau. De joie, nous avons crié !
Mon beau-père a dit : “Je suis vieux, on ne me fera rien, je vais voir ce qui se passe en ville”. Et nous sommes rentrés chez nous. Pendant notre absence, les Américains étaient passés par chez nous pour arrêter un homme qui essayait de fuir par notre toit. Il avait collaboré avec l'occupant.
Les soldats avaient laissé des bonbons pour mes petits”.

Mme Tummino raconte :
“Hélène Vidal qui parlait anglais avait été prévenir à vélo les Américains à la Motte… Leur dire que l'armée allemande était maîtrisée.
Il était six heures du matin et, grâce à elle, Draguignan n'a pas été bombardée, de justesse ! On a eu peur.
René Gayrard a ramassé tout le monde puis nous avons atterri au Malmont, avec les frères Sicard et Angelin Clair.
C'est là que nous avons fait cuire le lapin, il était délicieux !”

La stratégie militaire consistait à encercler les Allemands, l'armée des libérateurs de Provence venant à la rencontre de ceux de Normandie.

Les Allemands capitulèrent le 12 septembre 1944 (beaucoup plus tôt que prévu) dans le centre de la France.

 

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Hommes du FFI - Draguignan
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Femme à vélo

A Draguignan, les maquis les attendaient. M. German aussi :
“Fontès, le 14 août dans l'après-midi, est convoqué à Fayence où deux commandants, un Anglais et un Français, lui annoncent que le débarquement aura lieu le lendemain à Sainte-Roseline.
Fontès n'y croyait qu'à moitié.
Finalement, avec le commandant Blanc et son équipe, ils ont détruit les asperges de Rommel pour permettre aux parachutistes d'atterrir. Ces derniers ont atterri en trois vagues. Il y avait une forte brume sur l'Argens. Fontès a bloqué l'état-major.
Au nombre de 10 000, les Allemands étaient présents avec l'ordre donné par leur état-major de ne pas bouger. Ils attendaient de savoir contre qui se battre, soit contre les Américains de l'intérieur, soit contre ceux de la côte. Ils n'ont pas bougé toute la journée du 15 août pendant que les Américains avançaient.”

Les Américains et les Résistants libéreront la ville le lendemain, le 16 août.

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Place de la Victoire
Draguignan

M. German, en compagnie de deux soldats américains, a évité que Draguignan soit bombardée le 16 août :
“Deux Américains sont arrivés, morts de fatigue. Ils avaient été récupérés par des Flayosquais et ils étaient à la clinique, épuisés. Vers quinze heures, alors que j'étais en train d'opérer, un bombardement commence. Je secours les deux Américains qui indiquent que Draguignan est kaput… Deux avions, dont un Piper, survolaient la ville.
Une patrouille allemande se battait avec les hommes de Fontès et on entendait ces bombardements. Alors, les Américains me font signe qu'ils veulent quelque chose de grand. Ils prennent deux brassées de draps qu'ils disposent sur la place de la Victoire (appelée aussi Champ de Mars) qui était toute nue, les platanes faisaient deux mètres. Ils ont disposé les draps d'une certaine façon, c'était un code.
Le Piper a survolé la place deux fois et s'est détourné. Ils savaient qu'il y avait un état-major d'armée. Les Américains économisaient des vies en étant très prudents. Ils cassaient tout et ils avançaient. Il faut les comprendre. C'était pour économiser des vies.”

Les installations allemandes, à l'intérieur de la cité, furent abandonnées par l'occupant dès les premières heures du jour et les groupes FFI en prirent possession.

Pendant l'après-midi, le commandant FFI essaya de monter une action pour prendre le PC allemand. Il disposait d'un canon. Mais celui-ci ne put être mis en batterie car son servant, Maugeri, avait été tué.

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Groupe de FFI - Draguignan
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Plaque à la mémoire de
François Maugéri

Le général allemand Neuling avait reçu des ordres très précis pour tenir jusqu'au dernier moment, mais il ne lui restait plus qu'à capituler. Il pensait à sa femme restée en Allemagne. La reverrait-il ? A l'extérieur de la villa Gladys, les soldats américains l'attendaient. Quand il en sortit, il fut arrêté aussitôt.

Le chef de la Gestapo, dans un rapport écrit fin juillet, rendait compte que la résistance était partout, invisible mais réellement présente et active, prête à tout et insaisissable !
C'était le plus grand compliment qu'un ennemi pouvait faire aux hommes, non préparés à la guerre.
Le Général commandant des forces alliées disait, lui aussi, que dans la zone impartie, les FFI avaient fait le travail d'une division de parachutistes.

Le soleil pouvait briller, les cigales chanter, le Sud était à nouveau libre !


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